mercredi 16 septembre 2009

Michel Maffessoli, Le réenchantement du monde




"Dans ce livre au style raffiné, Michel Maffesoli reprend des thèmes qui lui sont chers : présentéisme, communauté proximale, néotribalité, effervescence, ritualité, prolifération cultuelle et culturelle… L’enjeu et la cible ? La morale transcendantale de type kantien ou judéo-chrétien, la dialectique du futur, de l’ « après », de l’ « horizon radieux », dénoncée jadis par Alexandre Zinoviev, et du progrès. La mutation probable ? Elle consisterait, beaucoup plus qu’on ne le pense, selon l’auteur, dans la capacité à observer et faire vivre et proliférer ce qui est appelé « l’étoffe du réel » (chapitre 1). Pour arriver à quoi ? à une conception éthique du partage et du don, de la coprésence vivifiante des individus en recherche de niches culturelles originales : « Démarche herméneutique, phénoménologique s’inscrivant dans un relativisme généralisé. C’est-à-dire capable de voir et de penser, tout à la fois, la décomposition du monde moderne et de sa morale universelle, et l’émergence d’un autre, beaucoup plus fragmentaire, fait d’éthiques juxtaposées. C’est cette complexité vivante qui est le défi auquel on est confronté » [p. 19]. « Ces éthiques plurielles quant à elles, sont essentiellement labiles et provisoires. Mais plutôt que de se lamenter face à ce côté mouvant, incertain, non institué des phénomènes en question, ne peut-on pas y voir l’expression d’un humanisme authentique ou intégral, à savoir une conception de la chose humaine, dynamique, explosive, précaire mais intense ? En bref, la vie, en son aspect constructeur mais aussi destructeur » [p. 33].

Guetteur et analyste des formes de sociabilités anomiques, « en dehors-de-la-loi » (la « loi » étant connotée philosophiquement en tant que règle mortifère et souvent étouffante), l’auteur traque, avec un sens heureux de la formule, les linéaments de ces cultures sentimentales et électives qui se juxtaposent, en parallèle et en mille-feuilles, durant cette période de postmodernité. Le réenchantement du monde signifie ainsi sortir d’une doctrine totale (monothéiste, chrétienne, marxiste, capitaliste, progressiste) pour s’ouvrir à des expérimentations in situ, hic et nunc. C’est pourquoi dans le chapitre 2, Maffesoli revient sur ce qu’il qualifie de « morale saturée » et il vise - on l’aura bien compris - tout autant les monothéismes, les formes dérivées (socialismes, marxisme, les apologies du progrès : « L’idéologie du progrès est, par contre, maladivement discursive. Elle a la brutalité du concept » [p. 63]) que les injonctions rationalistes ou les totalitarismes (stalinisme, fascismes, [néo]nazismes). Pensée du déroutement et de la déroute de la « bienpensance », l’approche maffesolienne est, depuis longtemps, soucieuse de réfléchir sur la nature du nomadisme, de l’underground, de l’émergence et de l’accommodement face au présent et à sa diversité. Mais c’est bien la raison elle-même, dissolvant, depuis le 18e siècle, les notions d’imaginal, de mythe, de pulsion et de « viscosité sociale » des individus en interaction, qui est pointée du doigt : « Car l’idéal de la vie morale qui trouve son acmé au siècle des Lumières repose sur une explication du monde rationnelle, plus scientifique, affranchie du mythe et des divers présupposés obscurantistes. Avec le recul, on peut voir dans un tel idéal moral la nouvelle religion de la modernité. Religion gouvernée par la déesse Raison » (p. 65). L’enfer étant pavé de bonnes intentions, l’auteur égrène toutes les conséquences modernes et postmodernes du « faire le Bien », malgré la volonté de telle ou telle personne, qui est ainsi conduite vers un chemin dogmatique, au nom d’une vision reportée « à plus tard » de son intérêt particulier. L’un des grands thèmes mis en exergue est l’attention à l’hétérogène, au clair-obscur, aux alliages (Soleil/Nuit, Dieu/Satan, Mal/Bien, grisé). De ce point de vue, le polythéisme, le néopaganisme, la relativité de l’existence, le tragique humain, l’instinctuel, l’inconscient collectif, la finitude de l’être, la joie orgiaque, le festivisme, le localisme, l’émotion en groupe, l’« immoralisme éthique » sont opposés à la rectitude d’une morale imposée par des orthodoxies qu’elles soient religieuses ou politiques."

La suite ici pour ceux que ça intéresse.

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